Comment les entreprises peuvent-elles embaucher et soutenir les employés neurodivergents ?
Environ 15 à 20 % de la population mondiale se situe sur le spectre de la neurodiversité, qui comprend une variété de diagnostics cognitifs tels que la dyslexie, l’autisme, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), le syndrome de Down et la dyspraxie. Les recherches montrent que les employés neurodivergents ont des compétences exceptionnelles en matière de reconnaissance des formes, de mémoire et de mathématiques, ce qui peut s’avérer très bénéfique pour les entreprises.
En général, les entreprises qui embauchent des employés neurodivergents (par exemple, SAP, Microsoft, JPMorgan, Ernst & Young, Deloitte, Hewlett Packard) ont constaté plusieurs avantages tels qu’une productivité accrue, une plus grande créativité, une culture et une réputation améliorées, et une réduction du taux de rotation du personnel. En fait, certaines estimations suggèrent que les employés autistes peuvent être jusqu’à 140 % plus productifs que leurs homologues neurotypiques.
Malgré cette reconnaissance, la grande majorité des personnes neurodivergentes restent sans emploi. Certaines études suggèrent que le taux de chômage chez les personnes neurodivergentes pourrait atteindre 80 %. Cela n’a rien d’étonnant puisque seule une entreprise sur dix se préoccupe de l’inclusion de la neurodiversité.
L’entretien d’embauche n’est pas adapté
Quelles sont les mesures que les entreprises peuvent prendre pour intégrer la neurodiversité ? Sur la base des études existantes et de nos propres recherches auprès des entreprises, nous pouvons identifier trois domaines clés qui doivent être abordés pour l’embauche et la gestion des employés neurodivergents :
Tout d’abord, les entreprises doivent adapter le processus d’embauche aux besoins des personnes neurodivergentes. Pour commencer, le langage utilisé dans les offres d’emploi doit être inclusif afin d’éviter toute interprétation erronée.
Par exemple, la banque BNP Paribas a décidé d’utiliser un langage clair et concis dans ses offres d’emploi. Les organisations peuvent également souligner leur engagement en faveur de la diversité et de l’inclusion.
Ensuite, au lieu d’entretiens, les entreprises peuvent envisager des évaluations basées sur les compétences. L’envoi d’un CV suivi d’un premier entretien de sélection n’est pas nécessairement adapté aux personnes autistes, qui peuvent trouver ce type de communication particulièrement difficile. En revanche, grâce à des évaluations basées sur les compétences, les responsables du recrutement pourraient savoir si les candidats sont capables d’effectuer un travail.
Dans cette optique, chez l’éditeur de logiciel SAP, les candidats neurodivergents sont invités à effectuer une série de tâches qui leur permettent de démontrer leurs capacités. De même, le géant du numérique Microsoft organise un événement d’embauche au cours duquel les candidats découvrent l’environnement de travail et réfléchissent au développement de leurs compétences tout en se préparant aux entretiens.
Enfin, les entreprises doivent s’associer à des organisations qui travaillent avec des personnes neurodivergentes, car elles peuvent manquer d’expertise interne en matière d’embauche. Aux États-Unis, il existe une quarantaine de structures dédiées à l’accompagnement des entreprises et au soutien des employés neurodivergents. Elles peuvent être d’une grande aide dans l’identification et la sélection des candidats, ainsi que dans l’intégration et la formation de ces derniers.
« Office buddy »
Il ne suffit pas d’embaucher des candidats neurodivergents : il est également important qu’ils se sentent soutenus et qu’ils trouvent des occasions de développer leurs compétences. À cet égard, les organisations peuvent s’assurer que leurs employés neurodivergents ont des mentors pour répondre à leurs besoins professionnels et sociaux.
Par exemple, SAP s’assure qu’il existe un cercle de soutien pour le lieu de travail et la vie personnelle, tant pour le travail que pour les aspects sociaux liés à l’emploi. De même, le cabinet de conseil EY met à la disposition des employés neurodivergents un « job coach » et un « office buddy » et a également nommé des champions de la neurodiversité et des sponsors exécutifs.
Ensuite, les entreprises doivent réfléchir aux possibilités de développement de carrière et aux parcours personnalisés pour les employés neurodivergents. Il s’agit notamment de réfléchir à des questions telles que la manière dont les performances seront évaluées et la façon dont ils peuvent développer des compétences pour progresser dans leur carrière.
Enfin, pour créer un environnement favorable, il est essentiel de former les personnes qui travaillent avec des employés neurodivergents. Le plus souvent, ce n’est pas la neurodiversité en soi qui est un frein, mais les préjugés et la discrimination auxquels sont confrontées les personnes concernées. Les employés neurotypiques devraient donc suivre une formation pour lutter contre leurs préjugés conscients et inconscients.
Ils devraient également développer une sensibilité à l’égard des manières et des méthodes de travail de leurs collègues neurodivergents. Pour créer un environnement favorable, EY forme ses équipes comprenant des employés neurodivergents à communiquer clairement et sans ambiguïté. De même, le cabinet de conseil Deloitte a créé des guides d’apprentissage sur la neurodiversité qui aident les managers à comprendre comment ils peuvent embaucher et soutenir les employés neurodivergents.
Limiter les réunions
Enfin, les entreprises devraient réfléchir à la manière dont l’espace de travail et les processus peuvent être conçus et adaptés pour répondre aux besoins des employés neurodivergents. Parmi ces adaptations, citons l’utilisation de couleurs plus calmes sur les murs et l’aménagement d’espaces calmes dans le bureau pour faire une pause.
Pour faciliter les réunions, l’ordre du jour et les documents à lire peuvent être envoyés à l’avance. De même, la fréquence et la durée des réunions pourraient être limitées, et des pauses pourraient être prévues en cas de réunions prolongées. Les horaires de travail peuvent également prévoir des jours sans réunion. Les options de travail flexible et à distance facilitent également la gestion des routines de travail et de soins personnels des employés neurodivergents et peuvent éventuellement les aider à construire leur carrière.
Non seulement les grandes entreprises peuvent prendre des mesures en faveur de l’inclusion de la neurodiversité, mais les petites entreprises peuvent également suivre cette voie. Dans le cadre de nos propres recherches, nous avons ainsi étudié comment un restaurant, qui est une petite entreprise, a réussi à embaucher des employés neurodivergents. Comme les grandes entreprises, il s’est associé à des associations pour l’identification des candidats. Le processus d’embauche a consisté à remplacer l’entretien formel par une première rencontre non structurée.
En outre, les candidats neurodivergents ont travaillé sur des tâches que l’on effectue normalement dans un restaurant. Cela a permis de comprendre si les candidats étaient aptes à occuper le poste. En même temps, cela a permis aux candidats d’évaluer s’ils trouvaient le poste et l’environnement de travail adéquats. Il est à noter que les familles des candidats neurodivergents ont également été impliquées dans la phase initiale d’embauche et que les restaurateurs se sont assurés qu’ils étaient convaincus que les candidats se trouvaient dans un endroit adéquat. Enfin, la formation continue des employés neurodivergents et des collègues neurotypiques a été la clé de la création d’un environnement de travail propice.
Grâce à ces mesures, le restaurant a pu embaucher et soutenir des employés neurodivergents et, ce faisant, bénéficier d’un personnel engagé avec un faible taux de rotation, ce qui est une lutte constante dans le secteur de la restauration. Il ne fait aucun doute que les entreprises peuvent tirer profit de l’emploi de salariés neurodivergents. Toutefois, pour récolter ces bénéfices, il est essentiel de repenser et d’adapter les systèmes et les processus existants.
Mamta Bhatt, Associate Professor of Organizational Behavior, IESEG School of Management, LEM, CNRS (UMR 9221), IÉSEG School of Management et Antonio Giangreco, Full Professor in HRM & OB, IÉSEG School of Management
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.