
Témoignages croisés : un parent, un enseignant, un orthophoniste parlent d’un même enfant
L’accompagnement d’un enfant Dys repose rarement sur une seule personne. Pour qu’un enfant progresse et s’épanouisse malgré ses troubles des apprentissages, il faut une collaboration étroite entre les parents, l’école et les professionnels de santé. Mais comment ces différents acteurs vivent-ils ce travail au quotidien ? Quelles sont leurs attentes, leurs défis, leurs espoirs ?
Pour illustrer cette dynamique, nous vous proposons un témoignage croisé fictif, inspiré de situations réelles vécues par de nombreuses familles. Il met en scène Lucas, 9 ans, scolarisé en CE2, porteur de dyslexie et de dysorthographie. Sa maman, son enseignant et son orthophoniste prennent successivement la parole pour partager leur regard sur son évolution, les aménagements mis en place, et les leviers d’une collaboration réussie autour d’un enfant Dys.
Le regard de Julie, maman de Lucas
« Ce que je veux, c’est qu’il soit compris et qu’il garde confiance en lui »
Lucas est un petit garçon joyeux, curieux, qui adore les animaux et les jeux de société. Mais dès la grande section, j’ai senti que quelque chose n’allait pas avec la lecture et l’écriture. Il inversait les lettres, ne retenait pas les sons, et les devoirs devenaient un calvaire. On nous disait d’attendre, mais moi je voyais qu’il souffrait.
Le diagnostic de dyslexie est tombé en CE1. Ça a été un soulagement et en même temps, une inquiétude immense. Allait-il réussir à l’école ? Serait-il rejeté ? J’ai dû me battre pour faire reconnaître ses difficultés. J’ai rempli un dossier MDPH, cherché une orthophoniste, et demandé un PAP à l’école.
Ce que je veux, c’est qu’il soit compris et qu’il garde confiance en lui. Il est intelligent, mais il a besoin d’autres chemins pour apprendre. J’ai de la chance, son enseignant actuel est à l’écoute, et il y a un vrai dialogue. On s’envoie des messages régulièrement, on ajuste les devoirs. L’orthophoniste joue aussi un rôle clé, elle nous guide beaucoup.
Mais c’est fatigant. J’ai l’impression d’être devenue coordinatrice de projet pour mon propre enfant. Heureusement, voir Lucas progresser, lire quelques phrases avec fierté, ça donne la force de continuer.
Le regard de Thomas, enseignant de CE2
« Adapter ne veut pas dire renoncer aux exigences »
Lucas est un élève vif, qui aime participer à l’oral. Il a une bonne mémoire, beaucoup de vocabulaire, mais il est freiné par ses difficultés en lecture et en écriture. Dès le début de l’année, j’ai reçu le plan d’accompagnement personnalisé (PAP) mis en place l’an dernier. J’ai aussi échangé avec sa maman, ce qui m’a permis de mieux cerner ses besoins.
J’ai mis en place plusieurs aménagements pédagogiques : des évaluations à l’oral quand c’est possible, plus de temps pour les dictées, des textes avec police adaptée et interligne large, des supports audio. Lucas peut aussi utiliser un ordinateur pour certains travaux écrits.
Adapter ne veut pas dire renoncer aux exigences. Je veille à ce que Lucas suive le même programme que les autres, mais avec des outils différents. Je valorise beaucoup l’oral, les exposés en binôme, les réponses en classe. Je fais attention à ne jamais le mettre en échec, ni à le surprotéger.
Ce qui aide énormément, c’est la coopération entre l’école, la famille et les professionnels. J’ai pu participer à une réunion avec l’orthophoniste, et nous avons défini ensemble des objectifs communs. Cela me permet de mieux cibler mes interventions en classe.
Lucas est un enfant volontaire. Quand il sent qu’on croit en lui, il donne le meilleur. Mon rôle, c’est de créer un climat où il peut apprendre sans honte.
Le regard de Claire, orthophoniste
« Le lien avec les enseignants est fondamental pour que les progrès soient transférés en classe »
Je suis Claire, orthophoniste depuis 12 ans, et je suis Lucas depuis un an et demi, à raison d’une séance hebdomadaire. Son trouble principal est une dyslexie phonologique associée à une dysorthographie sévère. Il a des difficultés pour automatiser le déchiffrage, encoder les sons, mémoriser l’orthographe des mots. Cela impacte fortement sa fluence et sa production écrite.
En rééducation, nous travaillons sur la conscience phonologique, la correspondance grapho-phonémique, l’orthographe d’usage, mais aussi sur les stratégies de compensation. J’utilise beaucoup les cartes mentales, les outils numériques, et des jeux pour maintenir sa motivation.
Lucas progresse bien, notamment dans l’identification des sons complexes. Il prend aussi confiance en lui. Mais le vrai défi, c’est de transférer ces acquis dans le contexte scolaire. C’est pourquoi le lien avec les enseignants est fondamental. Nous avons mis en place un carnet de liaison et organisé une réunion tripartite. Cela permet d’ajuster les objectifs et d’éviter les contradictions entre les différents intervenants.
Je crois profondément à une approche collaborative. Quand un enfant se sent entouré, respecté dans son fonctionnement, il peut avancer. Et pour cela, la communication entre les parents, les enseignants et les thérapeutes est indispensable.
Une équipe autour de l’enfant : la clé de la réussite
Le témoignage croisé autour de Lucas montre combien la collaboration interprofessionnelle est essentielle dans l’accompagnement des enfants Dys. Chaque acteur a son rôle, son point de vue, ses contraintes — mais tous partagent un objectif commun : permettre à l’enfant d’apprendre, de progresser et de s’épanouir.
Ce travail d’équipe demande du temps, de l’écoute, de la souplesse. Il suppose aussi une reconnaissance mutuelle : les parents sont les experts de leur enfant, les enseignants sont au cœur du quotidien scolaire, les professionnels de santé apportent une expertise spécifique.
Conclusion : un parcours partagé, pas solitaire
Accompagner un enfant Dys, c’est parfois éprouvant, mais c’est surtout une aventure collective. À travers ce témoignage croisé, on comprend que l’enfant n’est pas « en difficulté », il est en situation de développement… à condition d’être entouré.
Et si, à chaque étape de son parcours, une voix bienveillante dit « Je crois en toi », alors l’enfant peut avancer, malgré les obstacles. Ensemble, parent, enseignant, et orthophoniste peuvent bâtir un pont entre les différences… et les réussites.