Les troubles DYS des adultes, handicap invisible en entreprise
Les adultes ayant des troubles « dys » (dyslexie, dyspraxie…) se retrouvent souvent en difficulté dans le monde du travail, faute de connaissance de ce handicap cognitif.
Difficultés à écrire, lire, parler, comprendre une consigne, s’orienter dans l’espace ou réaliser plusieurs tâches en même temps… Les troubles « dys » (dyslexie, dyscalculie, dysorthographie, dysgraphie, dysphasie, dyspraxie ou troubles de l’attention) toucheraient 6 à 8 % de la population.
Si on en parle de plus en plus à l’école, le monde du travail les méconnaît encore largement. « J’ai tenu deux jours comme téléconseillère en assurance car il fallait aller trop vite, raconte Mouna, 21 ans, dyscalculique et dyspraxique, titulaire d’un bac littéraire. Comme serveuse, j’avais trop d’informations à retenir et comme vendeuse, cela se passait très bien à l’oral mais c’était compliqué de rendre la monnaie… ».
Désormais, elle suit une formation en gestion administrative dans les ressources humaines. « À force de volonté, on finit par y arriver. Mais il faut en face de soi des personnes bienveillantes ».
Comme l’explique Nathalie Chappey, orthophoniste à Nantes et fondatrice des éditions Prune, pour faciliter les apprentissages scolaires et professionnels des « dys », « il faut que les entreprises comprennent que le cerveau peut fonctionner de différentes manières. Plutôt que de pointer la lenteur d’un salarié, il faut changer de lunettes et regarder ses atouts ».
Créer son emploi
Sauf qu’en France, avoir des difficultés à lire ou écrire est « encore vécu comme une maladie honteuse, fait observer Vincent Lochmann, vice-président de la Fédération française des dys. Un mail d’un candidat à l’emploi truffé de fautes part directement à la corbeille… ». Malgré son master 1 en informatique, Aurélie, « multi-dys » de 28 ans, a eu du mal à décrocher son premier emploi. « Beaucoup de recruteurs nous trouvent trop lents car le temps c’est de l’argent. Mais moi, par exemple, j’ai un sens du détail que d’autres n’ont pas ».
Elle vient ainsi de créer sa propre société pour former enseignants et entreprises à ces troubles. Sylvie, « multi-dys » de 47 ans, a elle aussi créé son emploi, en devenant aide à domicile auprès des personnes dépendantes : « Je suis enfin épanouie dans mon travail car je peux le faire à ma sauce, sans stress ».
Des compensations sur mesure
Depuis 2016, l’AGEFIPH (fonds pour l’emploi des personnes en situation de handicap) propose des compensations spécifiques pour les troubles « dys », au même titre que les handicaps auditif, visuel, moteur… « Elles doivent relever d’une observation fine du poste de travail, précise Ivan Talpaert, directeur de la sécurisation des parcours à l’AGEFIPH. Il peut s’agir de séquencer les tâches ou bien d’utiliser un logiciel spécifique. »
La fédération française des dys lance quant à elle une structure de formation pour les professionnels. Sa première session, en juin, portera sur les outils numériques pour les salariés « dys ». « Tout l’environnement doit être sensibilisé, prévient Vincent Lochmann. Les dirigeants comme les collègues de travail. On ne doit plus considérer les ‘dys’comme des personnes feignantes ou de mauvaise volonté, comme ils l’ont trop souvent entendu durant leur scolarité ».