Informations TSL

Faire jaillir le potentiel musical des enfants avec une différence

Cet article a été rédigé par l’université Laval, Québec.

Un projet pédagogique nourrit la recherche et pourrait avoir des retombées dans tout le milieu scolaire.

En montant un spectacle avec des élèves en difficulté d’apprentissage, le professeur Jonathan Bolduc de la Faculté de musique de l’Université Laval combine expérience terrain, pédagogie et recherche sur le développement de l’enfant. Un projet qui pourrait avoir des retombées dans tout le milieu scolaire.

Fin mars, 41 élèves ayant une surdité, des difficultés de langage ou vivant avec des troubles moteurs sévères se sont produits sur scène à la salle Jean-Paul-Tardif, à Québec. Après des centaines d’heures de préparation, et avec l’aide d’outils innovants, ils ont livré trois chansons pour lesquelles ils ont composé les paroles ou fait les accompagnements. 

«On voulait faire sortir leur potentiel musical, leur donner le goût de l’école et leur permettre de développer un sentiment de fierté et de réussite», indique Jonathan Bolduc, spécialiste en musique à l’École oraliste de Québec pour enfants malentendants ou sourds. Il a travaillé de concert avec sa collègue Marie-Dominique Boivin, de l’École Madeleine-Bergeron pour jeunes ayant d’importantes limitations physiques et motrices.

Allier théorie et pratique

Ce projet collaboratif intitulé Unir la différence au-delà des mots et des sons a un impact plus large sur l’enseignement et la recherche. Jonathan Bolduc étant aussi professeur en éducation musicale à l’Université Laval, directeur du programme de baccalauréat en enseignement de la musique et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en musique et apprentissages, tous ses rôles s’influencent les uns les autres.  

L’envie de retourner enseigner au primaire lui a pris en pleine pandémie. «Les enfants me manquaient énormément. Et en même temps, avoir les deux pieds sur le terrain est essentiel pour mon travail à l’Université, comme je donne des cours en pédagogie. J’ai toujours cru à la relation entre la théorie et la pratique», indique celui qui forme les futurs enseignants de musique. 

Monter ce concert a d’ailleurs permis d’impliquer des étudiants du baccalauréat, qui n’ont souvent pas la chance de faire des stages en milieux spécialisés, comme l’École oraliste ou l’École Madeleine-Bergeron. «Dans nos programmes, on parle de la différence, mais on voulait mettre les étudiants en contact avec cette clientèle pour qu’ils soient plus sensibilisés, plus ouverts», souligne le professeur et directeur de programme.

Le but de la Chaire est de mettre la musique au cœur des apprentissages. Ce n’est pas de former des musiciens, mais de voir comment la musique peut soutenir le développement global de l’enfant

Jonathan Bolduc

Quant aux travaux de recherche faits par sa Chaire depuis huit ans, ils ont servi de base au projet musical. «Le but de la Chaire est de mettre la musique au cœur des apprentissages. Ce n’est pas de former des musiciens, mais de voir comment la musique peut soutenir le développement global de l’enfant, comment elle peut l’aider sur le plan social et affectif, sur la stimulation du langage, la lecture, la conscience phonologique, la reconnaissance des mots…»

Les dernières recherches auxquelles le professeur Bolduc a participé explorent l’apport de la musique sur le développement des fonctions exécutives, comme l’attention, la planification, la flexibilité et la souplesse mentale. Il évoque la capacité pour l’enfant de s’adapter à une situation nouvelle et non routinière ou celle de se concentrer sur une tâche en particulier en faisant abstraction à ce qui se passe autour, ce que l’on appelle «inhibition» en psychologie. 

Des éléments importants qui, par la bande, aident l’enfant en lecture, en écriture, en mathématiques. «Il y a une corrélation entre le niveau de fonctions exécutives et la diplomation au secondaire», ajoute le professeur Bolduc.

Pour stimuler leurs élèves, lui et sa collègue Marie-Dominique Boivin ont utilisé une approche multimodale, éprouvée scientifiquement auprès des enfants qui ont une dyslexie ou des troubles moteurs. Ils ont proposé différentes options – la musique, l’expression orale, l’écoute, la manipulation d’instruments –, adaptées aux besoins particuliers de ces enfants pour qu’ils puissent avoir plusieurs façons de communiquer entre eux musicalement.

La Frog Touch, un nouvel instrument à étudier

La technologie les a aidés dans cette démarche, notamment par la Frog Touch, un instrument innovant créé par le Français Olivier Carrillo.

«Il fonctionne un peu selon le principe des lampes de chevet qu’on allume par contact, en touchant du doigt», illustre le professeur Bolduc. L’enfant est connecté à une pastille collée sur son corps, l’enseignant en a une aussi. Le son se produit lorsqu’ils se touchent. Même un élève quadriplégique peut créer un son en faisant un contact avec sa tête.

«C’est tellement nouveau, il n’y a pas encore de données scientifiques sur cet instrument», souligne le chercheur, qui compte documenter les effets de la Frog Touch dans les travaux de sa Chaire prochainement. Il pointe déjà un intérêt sur le plan moteur, comme le geste est amorcé par l’enfant. Pour certains, établir ce contact demande énormément d’énergie, dit-il, mais ils tiennent à le faire. La musique motive, elle amène l’enfant dans un état plus réceptif et détendu. Cet instrument favorise aussi l’interaction avec l’autre. Un avantage à étudier pour des jeunes dont la compétence sociale n’est pas toujours facile à développer.

Servir tout le milieu scolaire

Le projet Unir la différence au-delà des mots et des sons se poursuivra l’an prochain. Encore en phase exploratoire, il met la table pour un cadre de recherche plus large, au-delà de ces deux écoles spécialisées.

«Avec les politiques du ministère de l’Éducation, la plupart des enfants qui ont des troubles ou des difficultés d’apprentissage sont intégrés dans les écoles régulières, à 90% du temps. Malgré toute leur bonne volonté, les enseignants se retrouvent démunis face à ces élèves, ils ne savent pas comment intervenir. Ces enfants-là tombent malheureusement dans un creux», constate le professeur Bolduc qui estime leur nombre à deux ou trois par classe.

L’objectif au bout du compte est d’aider tout le milieu scolaire et de démontrer qu’il existe des outils qui ont été validés par un cadre de recherche solide et documenté. L’ensemble des élèves pourrait en profiter. Utiliser les instruments permettrait même d’établir des ponts entre ceux qui ont de la difficulté et ceux qui n’en ont pas. 

D’ici là, Jonathan Bolduc et Marie-Dominique Boivin présenteront leur projet musical collaboratif le 13 mai dans le cadre du Colloque international sur l’apport des arts pour le développement des personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou physique, ou un trouble du spectre de l’autisme, au congrès de l’Acfas.

En savoir plus sur ce colloque et découvrir la programmation du 89e Congrès de l’Acfas, dont l’Université Laval est l’hôte.

Source : nouvelles.ulaval.ca

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.